Les atouts de Monsieur Yves Roland-Billecart
Les atouts de Monsieur Roland-Billecart ont été selon moi, et par ordre d’importance :
- Le soutien sans faille du Président Félix Houphouët-Boigny
- Chaque fois que des difficultés réelles ou suscitées dans un état, risquaient de ralentir la marche du PDG, il en référait au Président Houphouët qui saisissait le Président du pays concerné. La plupart du temps, celui-ci ramenait le calme dans ses troupes, et la machine Billecart avançait.
- Le trésor de guerre dont il disposait à son arrivée, 37 milliards de CFA pour commencer, puis les importants autres prêts ou aides dont il a bénéficié en 1992, 93 et 94
- Grâce aux fonds mis à la disposition d’Air Afrique par le biais de dons d’abord, (puis plus tard, de prêts) aux Etats Membres, le PDG a réussi à transformer l’image de la Compagnie auprès des administrations, des clients, des intermédiaires agents de voyage et transitaires, surtout auprès des fournisseurs, au point d’en faire une Compagnie courtisée par ces mêmes fournisseurs qui, il n’y a pas si longtemps, abhorraient Air Afrique surnommée alors « Air sans Fric ».
- La réduction des fréquences des Compagnies concurrentes
- Il s’agissait de revenir au strict respect des droits aériens entre Etats et à la notion d’équilibre de fréquences et de capacités des Compagnies désignées. Ceci eut pour conséquence de corriger dans plusieurs Etats, le bradage auquel s’étaient livrées certaines administrations chargées de la gestion du portefeuille des droits aériens en octroyant des fréquences non justifiées à des compagnies concurrentes.
L’application de cette mesure de réduction des fréquences , suivie de l’instauration de quotas de passagers pour certaines Compagnies, a permis à Air Afrique, d’engranger les dividendes de sa décision qui s’est traduite par un meilleur coefficient de remplissage de ses vols dont par ailleurs, elle avait significativement augmenté les fréquences.
Concomitamment, la longue grève des pilotes de l’UTA, et l’attentat contre le DC10 de cette Compagnie en 1989, ont eu comme conséquences de doper les résultats, au point que contre toute attente, Air Afrique enregistra ses premiers bénéfices dès la fin de l’exercice 1989.
- Il s’agissait de revenir au strict respect des droits aériens entre Etats et à la notion d’équilibre de fréquences et de capacités des Compagnies désignées. Ceci eut pour conséquence de corriger dans plusieurs Etats, le bradage auquel s’étaient livrées certaines administrations chargées de la gestion du portefeuille des droits aériens en octroyant des fréquences non justifiées à des compagnies concurrentes.
- Son passé de Directeur de « la Caisse », entendons Caisse Centrale de Coopération.
- Cette fonction lui avait donné, bien longtemps avant son arrivée à la tête de la Compagnie, l’occasion de rencontrer de nombreux hauts cadres et futurs hauts cadres de l’élite des Etats Membres de la multinationale. Certains étaient alors soit Président de la République ou Premier Ministre, soit Ministre du Plan ou du Budget, Ministre de l’Économie et des Finances, banquiers, diplomates ou hommes d’affaires. Ayant eu à financer de nombreux projets de développement dans plusieurs pays, Monsieur Roland-Billecart n’était pas inconnu en Afrique, tout comme l’Afrique ne lui était pas inconnue. En raison de cette fonction antérieure, il était celui à qui on venait demander, et qui acceptait ou non, de donner. Le Président Houphouët disait à juste titre, que « la main qui donne est toujours au-dessus de celle qui reçoit ». Ce passé a été pour beaucoup dans la facilité avec laquelle lors de ses déplacements, Monsieur Roland-Billecart accédait presque toujours aux plus hautes sphères de nos États et de nos Administrations. De plus, homme de grande culture, et d’agréable compagnie, il était régulièrement sollicité à titre personnel par plusieurs de ses hôtes. Il ne s’agissait pas d’arrogance comme on le lui en fit souvent reproche, la réalité était que l’élite africaine savait se souvenir et être reconnaissante. Ce passé professionnel, doublé du support inconditionnel du Président Houphouët, expliquent pourquoi lors de chacun de ses déplacements, le PDG était reçu sinon par le Président de la République du pays visité, du moins par son Premier Ministre, en plus de ceux qui étaient directement concernés par sa mission.
- La cohésion et le sacro-saint respect que lui vouait chacun des membres de son équipe.
- Pendant les premiers mois de leur arrivée, l’équipe mena une véritable vie de « commandos ». Tous ses membres étaient ensemble tous les jours, prenaient leurs petits déjeuners en commun. C’était le lieu du briefing qui mettait chacun d’eux au même niveau d’information dans tous les domaines. La célérité de l’information entre eux était exemplaire. Après leurs échanges, une décision concernant chaque situation était arrêtée, et ces décisions étaient solidairement appliquées avec la même rigueur, la même loyauté et la même détermination de manière indifférente par chacun des membres de l’équipe.
- La volonté individuelle de chacun des membres de l’équipe de réussir sa mission.
- Tous sauf deux, étaient des novices concernant les questions de transport aérien encore moins celles concernant la gestion d’une compagnie multinationale. Pour autant, ils n’ont ménagé aucun effort pour apprendre leur nouveau métier, en comprendre les règles et les mécanismes, se faire expliquer et réexpliquer le pourquoi du comment de ceci ou cela. Aucun d’eux ne se contentait de réponses générales ou évasives. Tout devait être clair, carré, précis et argumenté. Cette formation ‘’sur le tas’’ et à leur demande, a été dispensée aussi bien par des cadres que par des agents de maîtrise de leurs Directions respectives, et en cas de besoin, par ceux d’autres Directions.
- La remobilisation de l’ensemble du personnel de la Compagnie.
- Malgré le traumatisme créé par la réduction des effectifs, réduction dont l’ensemble du personnel savait qu’elle était justifiée et inéluctable tant le sureffectif était réel, les actes posés par le PDG, ainsi que les premiers résultats enregistrés, avaient redonné confiance aux agents qui retrouvaient la fierté d’être Air africain, et n’avaient plus de gêne ou de scrupule à le faire savoir.
- Sa franche indépendance affichée vis-à-vis de la Compagnie française UTA.
- L’équipe toute entière et Monsieur Roland-Billecart le premier, disaient n’être venus que pour « sauver Air Afrique ». Elle était très critique sur la nature de certains accords, et en particulier ceux relatifs aux aspects financiers et commerciaux des activités passagers et cargo conclus avec UTA. Suite à la réduction de fréquences des compagnies concurrentes du fait de son action, le PDG exigeait que la « totalité des retombées en terme de trafic passagers et fret se fasse uniquement et exclusivement au profit d’Air Afrique ». Plusieurs cadres en interne, au risque de paraître suspects aux yeux de la nouvelle équipe, eurent du mal à expliquer que cette demande était de réalisation impossible.
Malgré ces atouts, une analyse de l’environnement émotionnel du moment, et une bonne anticipation des enjeux, des obstacles et des contradictions à venir pouvaient permettre de prévoir les origines et la nature des difficultés auxquelles Monsieur Roland-Billecart serait confronté dans un avenir plus ou moins proche.
En effet, pour ce haut cadre, fonctionnaire de formation, de culture et de carrière, conformément aux us et coutumes en vigueur dans toute fonction publique qui se respecte, ce que le chef promet, qui plus est, lorsqu’il le dit et le signe, doit être exécuté par tous, sans aucune réserve. Malheureusement, le monde du transport aérien soumis aux règles internationales et/ou aux accords bilatéraux, est un domaine où les ordres du chef peuvent ne pas être applicables quand bien même on le voudrait, à fortiori quand on veut ne pas les appliquer.
Dans plusieurs États, les décisions acceptées, souvent après intervention du Président Houphouët-Boigny, ont frustré certains Ministres en charge du transport aérien et/ou leurs administrations au point de les conduire dans certains cas, à faire de la résistance passive… en attendant leur heure.
* Attentat contre le DC 10 d’UTA survenu le 19 Septembre 1989 dans le désert du Ténéré sur le parcours Ndjamena-Paris.
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