L’autre solution : LA BANQUE MONDIALE
En même temps que se traitaient, au pas de course, les questions d’alliance et de code-share avec Air France, le redressement d’Air Afrique était étudié par un autre acteur : la Banque Mondiale.
En effet, les États, ne pouvant plus assurer continuellement le renflouement de la Compagnie, avaient sollicité le concours de la Banque Mondiale. Cette institution financière, après étude du dossier Air Afrique, s’engagea les 27 et 28 Novembre 2000 à Washington, auprès des Ministres des Finances et Ministres des Transports de la Compagnie, à aider l’instrument communautaire. La condition de cette aide était la mise en place d’une équipe de Direction de son choix, demande qui a été acceptée par l’ensemble des États membres. Le plan présenté par la Banque Mondiale comportait deux phases :
Phase 1 : durée 12 semaines
Au cours de cette première phase, la Banque Mondiale devait :
- Mettre en œuvre des mesures conservatoires urgentes pour stabiliser la situation financière et l’exploitation de la Compagnie.
- Élaborer, et dans la mesure du possible, démarrer la mise en œuvre d’un plan détaillé de restructuration.
- Élaborer le statut juridique approprié pour la structure de gouvernance mise en place pendant la période de restructuration.
- Rechercher et sélectionner l’équipe responsable de l’administration déléguée, pendant la période de restructuration.
Pour mémoire, la phase 2, d’une durée de 14 mois, devait être celle de la privatisation de la Compagnie après sa stabilisation au terme de la phase 1.
La Banque Mondiale fit appel au cabinet S.H & E, cabinet jouissant d’une expertise incontestable et d’une notoriété internationale pour conduire son projet. Le cabinet S.H & E sollicita les services de monsieur Jeffrey Erickson, un ancien haut responsable de la Compagnie américaine TWA mise en faillite. Le moins qu’on puisse dire est que ce choix était plutôt hasardeux et les actes posés démontrèrent très vite que le cabinet S.H&E s’était lourdement trompé, sauf si l’intention réelle mais non avouée de la Banque mondiale n’était autre que la liquidation pure et simple de la Compagnie. En effet, ce monsieur dont c’était la première expérience africaine ne parlait pas un seul mot de Français et avait besoin d’un interprète pour pouvoir communiquer. De plus il était incapable de prendre une décision sans en référer au cabinet S.H & E qui détenait les vrais pouvoirs dans cette mission.
Destitution de Monsieur Pape Sow Thiam
Monsieur Pape Thiam, sans tambour ni trompette, a été démis de ses fonctions le 1er Février 2001. En effet, les Ministres des Transports et des Finances à Washington, en contrepartie de la promesse d’assistance de la Banque Mondiale, ont accepté sa destitution à l’unanimité. Les pleins pouvoirs ont été accordés à l’équipe mise en place par la Banque mondiale.
M. Jeffrey K. Erickson et le cabinet S.H & E
Dès le 6 février 2001, moins d’une semaine après sa prise de service, Jeffrey Erickson relevait de leurs fonctions, sur demande semble t-il des délégués du personnel, la totalité des Directeurs Centraux et Directeurs de Marché, pour les remplacer par leurs adjoints ou par des cadres cooptés par lui. Chacun d’eux avait le choix, soit de démissionner, soit de postuler à son poste où il serait préalablement évalué pour y être maintenu ou non. En complément de cette décision, pour des raisons d’économie, il a choisi contre toute autre formule, la mise au chômage technique, et sans salaire, d’une partie des effectifs de la Compagnie. L’objectif numérique fixé pour ces mises en chômage technique était de 2000 agents.
Nous devons à la vérité, de rapporter que lors de son passage à Dakar le 3 Février 2001, après sa prise de fonction à Abidjan, les délégués du SUTAS (Syndicat Unique du Transport Aérien au Sénégal) avaient clairement expliqué à monsieur Erickson qu’ils étaient favorables à des licenciements pour raison économique avec paiement des droits, parce que conscients qu’il fallait réduire les effectifs. Ils se sont montrés hostiles à la mise au chômage sans salaire, pratique illégale au regard des lois du travail au Sénégal, et humiliante pour le personnel.
Monsieur Jeffrey Erickson et le cabinet S.H & E, sur les conseils de juristes du siège, malgré la position responsable du SUTAS, position qui a été reprise par l’ensemble des autres syndicats, ont préféré, comme ils l’avaient annoncé, la mise au chômage technique sans salaire, plutôt que le licenciement pour raison économique ou le départ volontaire négocié.
S’appuyant sur des recettes de management et de gestion non adaptées ni au lois du travail des États, ni à l’environnement de la multinationale, puis innovant en matière de programmes de vols en dépit du bon sens, l’Administrateur Délégué et son équipe ont dégradé en un temps record le climat social et les recettes de la Compagnie, jeté le trouble dans l’esprit des autorités, des travailleurs, des clients, des partenaires et même au niveau de la Banque Mondiale, de ceux qui l’avaient coopté pour cette mission.
En un temps record, la nouvelle Direction avait dégradé la situation de la compagnie au point de conduire les anciens Directeurs relevés de leurs fonctions, mais non licenciés de la Compagnie, à adresser à l’Administrateur Délégué, la correspondance suivante.
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