Chapitre VIII.5


Air France responsable des déboires d’Air Afrique ?

Comptoirs à CDGLa situation financière d’Air Afrique se dégradait inexorablement et rien ne se passait comme promis et annoncé. Les plaintes de passagers continuaient et se multipliaient… Les retards des vols aussi… Et bien évidemment, il fallait trouver un bouc émissaire : ce fut Air France.

Pour clarifier sa position, Air France a fait intervenir un de ses très hauts cadres monsieur Dominique Patry, chargé en son temps des relations internationales. Celui-ci disait :

« Air France ne peut être rendu responsable des graves difficultés financières d’Air Afrique (…) de même, Air France ne tient pas à voir Air Afrique faire faillite. Il y a au moins deux ans, (NDRL : 1999 époque de Sir Harry) Air France a analysé la situation pour voir s’il vaudrait mieux pour nous qu’Air Afrique disparaisse, et nous avons conclu qu’il était de notre intérêt qu’Air Afrique survive. » (NDLR il a bien dit « survive »)

Pourquoi ?

« Parce que dans le cadre d’une politique de développement de notre alliance mondiale, nous avons besoin d’un partenaire africain pour développer un hub ou des hubs sur le continent, pour développer des services Intra Afrique que nous ne pouvons faire seuls. Donc Air Afrique est un élément clef de ce projet et cela fait plus de deux ans que nous disons à nos amis africains que nous sommes prêts à les aider parce que c’est aussi dans l’intérêt d’Air France. Il reste à déterminer si le message a été bien compris ».

Ce cadre d’Air France d’expliquer que :

« Nous sommes intéressés par la survie et le développement d’Air Afrique, mais cela ne veut pas dire que nous allons leur signer un chèque en blanc. Avoir un partenaire fort ne veut pas dire pour autant qu’on va recevoir de l’argent sans conditions, cela implique de dire la vérité au partenaire et de l’aider à se restructurer. C’est sur ce point que nous avons été quelques fois en désaccord. »

Poursuivant son analyse, il ajoutait en guise de conclusion prémonitoire :

« Il est clair que la dévaluation représente toujours une difficulté majeure pour une Compagnie aérienne africaine, parce qu’elle paye ses avions et son fuel en dollars US, et que la majorité de ses revenus est en monnaie locale. Cependant, il serait complètement faux de dire que les difficultés d’Air Afrique sont dues à la dévaluation. Le problème est qu’Air Afrique est une société contrôlée par 11 pays africains. C’est une Compagnie qui a été inefficace et mal gérée. Elle ressemble beaucoup à ce qu’était Air France en 1993. Il ne faut pas oublier que nous avons été au bord de la faillite et que nous n’avons été sauvés que par l’apport de 20 milliards de francs français (NDLR deux mille milliards de francs CFA) du gouvernement français.

Nous disons à nos amis d’Air Afrique qu’ils doivent faire la même chose qu’ils le veuillent ou non, sinon leur Compagnie va mourir. Faire des reproches à Air France ne sert à rien. » (Dominique Patry, African Aviation février 2001)

Cette mise au point était on ne peut plus claire.

À l’évidence, en 1999 Air France avait encore besoin d’Air Afrique, mais semble t-il, surtout besoin des droits de trafic et de la protection du ciel africain que lui conférait son partenariat avec notre Compagnie. Pour cela il fallait qu’Air Afrique survive.

De plus, Air France appréhendait, mais anticipait les conséquences du désordre qui naîtrait sur le réseau Intra Africain en cas de mort subite d’Air Afrique, et avait besoin de temps pour s’y préparer.

Sans doute pour cette raison, et parce que deux précautions valent mieux qu’une, sachant, à défaut de la souhaiter, que la disparition d’Air Afrique sur le réseau long courrier lui était indifférente, Air France se lança dans l’assistance rapprochée ou la résurrection avec prise de contrôle, de plusieurs Compagnies nationales locales telles Air Ivoire, Air Burkina, Camair, (et pourquoi pas Lina Congo le moment venu), afin de pouvoir contrôler le réseau Intra Africain « qu’elle ne pouvait pas couvrir toute seule ».

Ces préoccupations sont celles qui transparaîtront plus tard, dans le projet qu’Air France soumettra aux Chefs d’États à Brazzaville en 2001 concernant la “Nouvelle Air Afrique”. Toutefois, à bien y réfléchir, il semblait toujours y a avoir une constance et un modus opérandi dans les pratiques d’Air France : celle consistant d’une part à obtenir des dirigeants d’Air Afrique affaiblis et/ou en fin de règne, la conclusion précipitée de dossiers vitaux pour ses intérêts et d’autre part à appâter des cadres africains en leur faisant miroiter un meilleur avenir. En effet Air France a obtenu la finalisation du transfert de CDG1 à CDG2 en 1996 peu avant le départ de monsieur Yves Roland-Billecart puis l’accord de code-share en août 2000 avant la fin du mandat de Pape Sow Thiam.

Malgré tout, et de manière objective, c’est à Air Afrique et à ses dirigeants et non à Air France qu’il faut s’en prendre. Air France n’a jamais imposé de décisions, nos dirigeants ont accepté en toute indépendance et… en toute incompétence après “discussions”, de prendre des décisions qui nous engageaient.

Sir Harry avait coutume de dire « Si celui qui négocie pour résoudre un problème cherche à préserver ses propres intérêts dans la solution, ce problème est toujours mal négocié, donc mal résolu. ». Dans biens de cas, lors de leurs négociations avec des partenaires, et en particulier avec Air France, certains cadres d’Air Afrique n’ont pas fait autre chose que de chercher à se positionner pour la suite.

Accuser Air France était facile, cela donnait bonne conscience mais surtout évitait de faire notre propre autocritique.Manifestation devant le siège Air France

Chapitre VIII.4 – Une sous-direction d’Air France décentralisée à Abidjan ?

→ Chapitre VIII.6 – L’autre solution, la Banque mondiale

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