Chapitre VIII.2

Pape Sow Thiam, une nouvelle équipe pour un nouveau départ

Le nouvel organigramme conçu par Monsieur Thiam, a été présenté et commenté par lui aux cadres le 24 Juin 1999. Les arguments développés avaient de quoi les laisser perplexes. Au-delà de l’étonnement qu’il a suscité par son envergure, le contenu de cet organigramme semblait véhiculer des messages plutôt limpides pour qui savait les interpréter :

  1. Je caresse les syndicats dans le sens du poil ; donc dans mon organigramme, exception faite pour la Direction technique, aucun des Directeurs de ce qu’on appelait ‘’l’équipe Billecart’’, n’occupera un poste de Directeur Central, même s’il en conserve le rang dans une autre fonction. De plus, aux syndicats, je promets la création d’un « observatoire du climat social » pour les amadouer et les rassurer. Ceci explique sans doute pourquoi, durant toute la durée du mandat de Monsieur Pape Thiam, les délégués, malgré des gesticulations sans doute préalablement mises en scène, n’ont jamais déposé de préavis de grève.
  2. Comme demandé par une résolution du conseil d’administration, je caresse les États dans le sens du poil en mettant en place un organigramme qui assure une meilleure représentativité pour chacun d’eux, au besoin en créant de nouvelles Directions Centrales.
  3. En interne, au niveau du Comité de Direction, par un choix judicieux des hommes de ma future équipe, je réduis au strict minimum tout risque de contestation ou toute résistance éventuelle à l’approbation puis à l’exécution de mes décisions. Chez Air France, on appelait cela avoir “un comité de directeurs dociles”.
  4. J’innove en matière de présence commerciale ; donc je procède à des nominations de nouveaux représentants et de nouveaux Directeurs de marché, ce qui en passant, me permet de récompenser ceux dont je me sentais redevable, Représentants à Nairobi et Tananarive, Directeurs de Marché à Bamako et Johannesburg.
  5. Les passations de services entre Directeurs sortants et Directeurs entrants, furent organisées en moins d’une semaine pour les plus longues, alors que certains des nouveaux Directeurs n’avaient aucune expérience réelle dans les domaines qui leur étaient confiés.
  6. À ce stade, je veux être clair, il ne s’agit nullement d’une recherche quelconque de dénigrement ou d’une expression d’amertume personnelle, le choix des hommes de notre capitaine était plutôt surprenant, malgré deux mois de réflexion avant la publication de son organigramme. Les anciens directeurs n’étaient peut-être pas tous irremplaçables et sans reproches, mais la plupart des nouveaux Directeurs laissaient perplexes au vu de leurs cursus et résultats antérieurs. Le copinage et les interventions extérieures semblaient avoir été pour beaucoup dans certains choix du DG. Monsieur Pape Sow Thiam, sans doute ayant conscience du caractère hasardeux de l’équipe mise en place, conclut sa présentation par : « Je me réserve de modifier la composition de l’équipe au bout de six mois en fonction des résultats des Directions ». Cette modification interviendra effectivement ; nous en reparlerons.

    Ce qui est sûr, c’est qu’aucun des anciens Directeurs Centraux n’a mis en cause le « classement » décidé par le « capitaine » parce qu’il fallait « jouer en équipe », pas plus qu’aucun n’a refusé, à la demande du « capitaine », l’abattement à compter du 1er juillet 2000, de 20% sur leurs salaires, pour participer symboliquement aux sacrifices qu’exigeait la situation du moment.

    Au plan des structures : l’organigramme de Monsieur Pape Sow Thiam, rappelait en plus étoffé, celui de Monsieur Ickonga. À cela, se rajoutait la boulimie de certains nouveaux Directeurs centraux qui croyaient que leur importance serait en proportion directe avec la taille des effectifs dont ils doteraient les nombreux départements et services qu’ils avaient décidé de créer dans leurs Directions. À ce titre, l’exemple de la DSP (Direction de la Stratégie et de la Planification) était édifiant. Cette direction, au motif que la planification concernait tous les secteurs d’activité de la compagnie, s’était dotée de plusieurs départements faisant double emploi avec la plupart des directions centrales.

    Au niveau financier, aucune modification de fond n’a été décidée. L’externalisation qui aurait abouti à une réduction d’effectif mais au-delà, amélioré les performances de la Direction Financière n’a pas été retenue (les syndicats y étaient opposés). La raison officielle donnée était que le nouveau Directeur financier avait demandé deux mois pour résoudre en interne tous les problèmes et corriger tous les dysfonctionnements. Promesse vaine non suivie d’aucune action de la Direction Générale.

    Comme si l’expérience « Ickonga » ne suffisait pas, le redéploiement des effectifs pour étoffer les nouvelles structures, s’est fait par débauchages internes, contre la promesse d’avancement des agents transhumants. Certains services se sont trouvés dépouillés de leurs meilleurs éléments partis chercher fortune, souvent deux ou trois bureaux plus loin, dans une fonction plus lucrative pour eux, mais moins utile pour la Compagnie.

    Au niveau exploitation : Les choix de la nouvelle équipe centrale avaient de quoi en interpeller plus d’un. En effet, alors que la Compagnie était en crise profonde avec une tension de flotte et de trésorerie rarement connues, l’ouverture de nouvelles escales (Dakar-Casablanca-Paris sans droit de trafic entre Casablanca et Paris, puis Paris Lisbonne-Dakar-Bissau sans droits de trafic entre Paris et Lisbonne) paraissait plutôt inopportune.

    De même, mais un peu plus tard en Octobre 2000, l’affectation des nouveaux avions A330-300, sur les vols longs courriers Afrique-France-Afrique, au lieu de leur utilisation souhaitable sur l’axe Dakar-New-York était difficilement explicable.

    Au niveau commercial, l’option d’innover entraîna la nomination d’éphémères Représentants dans des lieux non desservis en direct tels Tananarive, et Nairobi faisant ainsi double emploi avec la Représentation de Johannesburg qui couvrait ces marchés qu’il a donc fallu promouvoir en Direction de marchés. Certaines délégations furent promues en Directions, faisant ainsi des délégués en place de nouveaux Directeurs.

    Chapitre VIII.1 – Le nouveau DG enfin choisi

    Chapitre VIII.3 – L’heure d’Air France ou celle de l’amnésie de ses « futurs » cadres africains

2 comments to Chapitre VIII.2

  • Attiba Denis Mensah

    Le paragraphe 5 devra être corrigé en ce qui concerne l’attitude des syndicats qui se résume à la défense des intérêts des travailleurs et à un second niveau la sauvegarde des emplois.

    Je voudrais donc rappeler que nous étions en pleine négociations salariales et de paiement des rappels augmentations gouvernementales quand il a été annoncé la création de l’observatoire du climat social (décision que j’ai particulièrement appréciée), mais que nous (PNC) avions déposé un préavis de grève qui a été suspendu suite au crash du vol KQ 431 de Kenya Airways dans lequel quatre de nos collègues avaient péri. C’était un empêchement dû à un cas de force majeure qui a par ailleurs poussé la Direction générale à organiser des élections scandaleuses dont les résultats sont contestés par 252 pétitionnaires pour 246 votes exprimés…
    MAD

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