Le paramétrage à 6 chiffres
Les concepteurs du logiciel de facturation avaient paramétré le programme à 6 chiffres. Chaque fois que le montant d’une facture était supérieur à 1.000.000 de CFA par exemple 1.100.000 CFA, à cause du paramétrage, la facture éditée présentait une première ligne valorisée à 999.999 CFA, et une deuxième ligne correspondant à la différence, soit dans le cas d’espèce, 100.001 CFA.
Ce paramétrage convenait relativement bien à la facturation des recettes de l’activité passager car il était rare de saisir au transport sur les lignes d’Air Afrique, et sur un seul tronçon, un coupon de vol dont la valeur excédait 1.000.000 de CFA
Pour ce qui était des recettes fret, ce paramétrage à 6 chiffres, a été la source d’une véritable hémorragie financière, une calamité méconnue ou volontairement camouflée pendant des années.
En effet, lorsqu’Air Afrique transportait du Fret dont la LTA (Lettre de Transport Aérien) avait été émise par une autre compagnie, Air Afrique devait adresser à cette compagnie une facture pour récupérer sa recette.
Lorsqu’Air Afrique émettait une LTA pour une expédition Fret transportée en port dû, c’est à dire dont le montant du transport était encaissé à destination, Air Afrique devait adresser à la Compagnie ayant encaissé le dit transport, une facture pour récupérer la recette qui lui était due.
– A cause du paramétrage du système, chaque fois que la facture à adresser concernait un montant supérieur à 1.000.000 CFA, par exemple 8.000.000 CFA, elle présentait 8 fois le même numéro de LTA avec 8 lignes facturées chacune à 999.999 CFA et une 9e ligne facturée à 8 CFA.
Il n’était pas rare en effet, que le montant du transport d’une expédition fret soit supérieur à 1.000.000 de CFA, un transitaire pouvant émettre une seule LTA, pour 10 tonnes de poissons, (700 CFA/kilo), 20 tonnes haricots verts ou de mangues, (520 CFA /kilo), 4 tonnes de déménagement (1100 CFA/kilo), ou 2 tonnes d’oiseaux (2500 CFA/kilo).
Cette particularité de notre facturation semble n’avoir jamais été notifiée aux compagnies tierces.
– Les services comptables de ces compagnies débitrices, recevant une facture portant un même numéro de LTA sur plusieurs lignes, considéraient de ce fait, que la même LTA leur était facturée plusieurs fois. Certains partenaires qui ont fini par comprendre la particularité de cette facturation, ont choisi pour endormir nos services, de payer selon le cas, une seule ou plusieurs lignes de la facture, et rejetaient les autres pour « multiple facturation du même document ».
Dans l’exemple cité, Air Afrique n’encaissait que 999.999 CFA ou des multiples de ce montant à la seule discrétion de la compagnie facturée, en lieu et place des 8.000 000 de CFA, représentant le montant réel du transport concerné.
– Les services comptables d’Air Afrique, et les différents chefs du département des recettes commerciales qui se sont succédés, n’ont jamais remis en cause ces rejets, pas plus qu’aucun d’eux n’a su expliquer à ces Compagnies la particularité de la présentation de nos nouvelles factures. Mieux, ils ont, dans certains cas, préféré présenter des excuses à leurs homologues en expliquant qu’il s’agissait d’erreurs de saisie ou d’anomalies du nouveau logiciel de facturation, et que des actions étaient en cours pour y remédier…
– Périodiquement, le Directeur Financier, Monsieur Jean Pierre Listre annonçait au Comité de Direction, que des cadres de sa Direction avaient développé des programmes de facturation qui méritaient des félicitations à leurs concepteurs, tant ces applications étaient performantes.
Il y eut d’abord les applications TACLE : « Traitement Automatisé Clients En compte », puis SACRE : « Système Avancé de Comptabilisation de Recettes à l’Émission », enfin CAURIS : « Comptabilisation Automatique des Recettes Informations et Statistiques ».
À l’usage, aucune de ces applications n’a résolu de manière efficace les problèmes de facturation des recettes du Fret si tant est que c’était l’objectif de leurs concepteurs.
Avec le recul, tout nous laisse penser que certains des cadres ayant participé à la conception de ces programmes avaient conscience de la réalité de la catastrophe, mais n’osaient pas l’avouer et tentaient de vouloir la solutionner par leurs propres travaux.
Malgré leur matériel sophistiqué et leur nombre pléthorique, l’incapacité flagrante avérée et désormais incontestable de nos services à établir des factures correctes, justifia en fin 1995, sur notre insistance, la décision de Monsieur Yves Roland-Billecart, d’acquérir auprès d’Air France, la totalité des applications, y compris les applications de facturation des recettes Fret du système « Pélican ».
* Pélican : Système informatique de gestion des centres fret, et de facturation du Fret développé par Air France
* Plus tard, en 1997, la Direction Fret continuant encore d’initier les corrections de factures et les encaissements de recettes Fret, Sir Harry, successeur d’Yves .Roland-Billecart décida de rattacher la section chargée de ces facturations à la Direction Fret et Poste. Lors de ce transfert, c’est-à-dire en novembre 1997, notre Direction constata que les dernières factures émises pour la poste remontaient elles aussi, à… 1993 !
À la vérité, jusqu’à l’acquisition du système Pélican qui a corrigé les anomalies liées au paramétrage à 6 chiffres de notre système de facturation, les services chargés des recettes commerciales ont laissé dans les caisses des Compagnies étrangères, et en particulier dans celles d’UTA puis d’Air France, des centaines et des centaines de millions de francs CFA de recettes du Fret, et sans doute beaucoup plus encore pour les recettes du passage.
En effet, les référentiels tarifaires de facturation du fret n’étaient pas tous à jour et des factures étaient émises avec utilisation de tarifs caducs occasionnant d’importants manque à gagner. Pendant plus d’un an, le « fret express » dont le tarif était plus du double du tarif du fret normal, a été facturé au tarif du normal.
Certains agents des recettes commerciales ne savaient pas comment facturer les recettes de ligne sur des vols cargo pour lesquels une partie du transport avait été assurée par camion (comme cela se fait de plus en plus dans plusieurs compagnies). Il a été ainsi possible d’identifier, puis de récupérer auprès d’UTA puis d’Air France, des recettes mal facturées pour des LTA sur tous les vols cargo effectués au départ de Marseille. En effet pour ces vols, Air Afrique réglait les frais de camionnage de pré-acheminement Paris-Marseille, et donc Air Afrique devait facturer pour chaque LTA, la totalité de la recette de bout en bout Paris Marseille-Afrique, ce qui n’était pas le cas.
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