C’est une photo exceptionnelle qui nous a été transmise par Hervé Hasse, prise par son père fin août 1955. Les vues du Latécoere 631 de France Hydro sur le Chari sont très rares. Nous connaissons quelques gros plans sur les opérations de déchargement, mais des vues du bel oiseau au repos, très peu.
Nous avons rapidement évoqué précédemment, l’aventure de France Hydro (L’aviation-en-afrique-centrale-entre-1945-et-1960). Cette compagnie transportait le coton depuis le lac de Léré, à la frontière du Tchad et du nord Cameroun, vers le port de Douala. Si l’aventure humaine était belle, l’équilibre financier, lui, était loin d’être atteint.
Il s’agissait de trouver d’autres débouchés, d’autant plus qu’un second appareil était attendu. La tentative vers Bangui s’étant soldée par un échec, c’est vers Fort-Lamy (N’Djamena) que se sont tournés les espoirs. (On a également envisagé des vols vers l’Amérique du Sud).
Plusieurs vols ont été effectués. Le premier, fin janvier 1954, transportait quatre tonnes de fret et 18 000 litres d’essence contenus dans les réservoirs de coque de l’hydravion. Le Laté 631 pouvait embarquer 50 000 litres de carburant, 28 000 dans les ailes et 22 000 dans des réservoirs de fuselage qui n’étaient pas utilisés sur les vols à moyenne distance.
La Direction de l’Aéronautique Civile Française « tique » un peu. Pour elle, le vol est illégal, le plan d’eau du Chari n’est pas reconnu pour l’aéronautique civile, seuls les appareils militaires sont autorisés. La DGA conteste également le transport de marchandises dangereuses sans autorisation.
France Hydro conteste, ayant utilisé pour la préparation du vol les documents des Bases Aériennes et de l’état-major de la Marine. Quant au carburant, il était transporté dans les réservoirs de l’appareil.
Malgré tout dix rotations seront effectuées en 1954.
À ces tracasseries administratives bien traditionnelles dans notre « monde aéronautique national » s’ajoutent des problèmes plus épineux. Les eaux du Chari ne peuvent accueillir l’appareil que 6 mois par an. À la saison sèche, les bancs de sable apparaissent. À la saison des pluies, le courant pouvait être violent.
Pour éviter la trajectoire du bac reliant les deux pays et l’incessant ballet des pirogues entre les deux rives, la bande d’atterrissage et de décollage se situait légèrement au nord de la cité, entre l’actuelle entrée de piste de l’aéroport et le village de Farcha, là où le fleuve oblique vers la gauche. Ces manœuvres devaient également tenir compte du trafic des pirogues des pécheurs kotokos, ces belles pirogues dites « libellules » aujourd’hui disparues. Bien sûr, les oiseaux étaient nombreux sur les rives du fleuve.
L’autre problème était le transport de carburant. Il fallait transférer l’essence des réservoirs de l’avion dans des fûts de 200 litres à bord de bateaux. Les décharger ensuite sur la rive pour les transporter par la route au dépôt pétrolier et transvaser à nouveau le carburant dans les citernes. Cela limitait l’intérêt de l’opération.
Le 31 août 1955, l’appareil est de retour avec du fret. Du 3 au 7 septembre, il effectue deux allers-retours Douala/Fort Lamy. Le 8, c’est son dernier passage sur le Chari. Il rentre à Léré. Le 9, il rejoint Douala. De là, le 10, il doit remonter, via Léré, sur Biscarrosse pour sa visite des 200 heures.
C’est au cours de ce tronçon que l’appareil pris dans une tornade est détruit. Il s’écrase dans la région de Sambolabo (à l’ouest de N’Gaoundéré). Il n’y a aucun survivant. Ce drame met fin à l’aventure de France Hydro et à la carrière des Laté 631 et des hydravions de transport public.
La photo qui nous est offerte date bien de fin août début septembre 1955. On voit sur le nez de l’appareil le logo de France Hydro.
- L’ouvrage de référence, incontournable, qui m’a énormément aidé à rédiger ce texte : L’exploitation commerciale des Latécoère 631 que vous trouverez en ligne : https://fr.calameo.com/books/005116633b75df2620717.
- Beaucoup plus modestement l’histoire de France Hydro que j’ai publié dans la revue « Le Trait d’Union » n° 312 http://www.bfab-tu.fr/.
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