Air Afrique n’a jamais compté le CL-44 dans sa flotte mais dans les escales nous l’avons souvent rencontré, parfois sous numéro de vol RK. Chacune de ses escales étaient attendues et aussi redoutées car nous ne savions pas toujours ce qui nous attendait lors des opérations de déchargement. Jacques Julien se rappelle une hélice de bateau de 9 tonnes, j’ai souvenir de tuyaux très longs et lourds qui avaient tendance à glisser lors de la sortie de l’avion…
Cet appareil atypique demeure le seul avion à queue pivotante (swingtail) construit en série. Tous les autres DC-4 ou 6, Mini Guppy ou même B747 Dreamlifter sont des avions modifiés parfois construits à l’unité.
À la fin des années cinquante, la firme canadienne Canadair a extrapolé un patrouilleur maritime à partir du Bristol « Britannia ». Conservant l’élégance de son modèle, le CL-28 « Argus », équipé de moteurs à pistons, fut construit à 33 exemplaires. Par la suite, toujours à la demande de la Royal Canadian Air Force, la firme étudia un avion convertible passager/cargo équipé de turbopropulseurs Tyne. Le fuselage allongé mesurait 41,63 m et la masse maximale était de 93 tonnes. Volant pour la première fois le 15 novembre 1959, le CL-44 6 fut construit à 12 exemplaires pour la R.C.A.F qui le nomma CC106 « Yukon ». Elle l’utilisa, à partir de 1961, pour le support de ses troupes stationnées en Europe. Cet appareil était équipé de deux portes cargo, une à l’avant, l’autre à l’arrière de la voilure.
Pour le marché civil, Canadair innova. Les études de marché indiquèrent que seul un appareil possédant des moyens de chargement et de déchargement rapides pour charges volumineuses était susceptible d’intéresser les compagnies civiles. Les portes latérales du Yukon semblaient insuffisantes et Canadair après examen proposa une version cargo à queue pivotante (swing tail).
Réel défi pour un appareil de cette taille. Rappelons que les commandes de vol électriques n’existaient pas et que l’avion était pressurisé. Le CL-44D pouvait transporter 29 tonnes sur environ 4 600 km à une vitesse de 650 km/h. Il prit l’air le 16 novembre 1960. Trois compagnies cargo américaines commandèrent l’appareil : Flying Tigers (12), Seabord World (7) et Slick Airways (4). Avec la commande de la compagnie Islandaise Loftleidir (3 appareils), ce sont 26 CL 44 D qui seront construits. Le prototype du CL 44J (ou Canadair 400), version allongée de 4,62 m décolla le 8 novembre 1965.
Loftleidir (Icelandair par fusion avec Flugfélag Ísland), premier « low cost » sur l’Atlantique Nord, utilisait ses appareils en version passagers, offrant 178 sièges (beaucoup plus que les B 707 ou DC-8) entre le Luxembourg (où d’ailleurs les avions étaient immatriculés), Reykjavik et New York. La compagnie achètera le prototype du CL 44J qui sera équipé en 214 Y et fera convertir ses trois models D4 en J. Après l’arrivée du DC-8 63, les 4 Canadair devenus CL 44J seront vendus à Cargolux, et retrouveront leur activité d’avions cargos.
1 CL-44D sera « maximisé » et transformé en CL-44-O sorte de petit Guppy.
Le « Forty Four », comme le surnommeront les anglophones, fera de fréquentes visites en Afrique, particulièrement à Dakar, où, au milieu des années 70, il transportait les légumes sénégalais vers l’Europe. Les appareils arrivaient vers 17h00, et pendant que l’équipage se reposait, on chargeait, à la main, 200 m3 de légumes et ce jusqu’à 4h00 du matin, heure vers laquelle l’équipage revenait pour décoller au lever du jour.
Un CL-44D était aussi basé à Dakar. Appartenant à la société Intraco, il transportait de la viande en Afrique de l’Ouest.
À cette époque, j’ai passé une de mes plus belles « nuit aéronautique ». Il fallut décharger du CL-44O une hélice de bateau de 9 t, montée sur un bâti (pour utiliser la largeur maximale du fuselage) à l’aide d’un Hyster de 10 t, à la limite de ses possibilités. Pour éviter le basculement, nous avions sanglé le nez de l’avion à des camions !!!!!
Fin 1974, un appareil de Transméridian, basé deux mois à Douala assura 2 rotations journalières sur Ndjamena, transportant du riz et d’autres aliments lors de la famine au Sahel.
Au Gabon, SOACO a utilisé deux CL-44 D4 ; Air Gabon Cargo un. La Société Générale d’Alimentation au Zaïre exploita trois CL-44 6. Plus tard Virunga Air Cargo utilisera 3 avions.
En 1978, les CL-44 6 d’Aerotransportes Entre Rios (A.E.R) et Transportes Aero Rioplatense (T.A.R), deux compagnies argentines transportèrent de la viande depuis l’Amérique du Sud vers Abidjan.
On verra également les CL-44 en Centrafrique et en Lybie. Vers la fin de sa carrière, le CL-44-O sera exploité par First International Airlines, compagnie de droit ghanéen. Au tournant des années 2000, la société Trans Lloyd Cargo utilisera 3 CL 44, les basant à Sarjah, Bujumbura ou Kinshasa, sous des immatriculations très éphémères (Burundi, Liberia, Congo, Yémen, voire Guinée Équatoriale). Nouvelle preuve de la dégradation du transport aérien en Afrique centrale.
C’était un appareil à l’élégance rare, facile à charger, économique. J’ai beaucoup aimé travailler avec cet avion. Son point faible, ses moteurs : Les Rolls Royce Tyne étaient fragiles (c’est toujours le point noir du Transall militaire). Le CL-44 était devenu, après le DC-7, « le meilleur trimoteur sur l’Atlantique ».
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