Le DC-4 au « dos voûté »

Jacques Julien nous raconte le Carvair, le DC-4 au dos voûté… ou Boeing 746, l’un des premiers avions cargo de l’histoire de l’aviation.

Carvair DC-4 coupe

Le CARVAIR ou DC-4 au « dos vouté », expression reprise à Noël, un de nos fidèles lecteurs du Congo. Son expression très réaliste est empreinte de poésie. Air Afrique n’a jamais utilisé cet avion mais l’a entretenu au C.I.B (Centre Industriel de Brazzaville → 1 2 3 ). Dans les commentaires nous avons parlé de cet appareil dont un exemplaire a été longtemps stocké à BZV. De plus, c’est un avion que j’aime bien, alors pourquoi bouder son plaisir ! De par sa simplicité, sa rusticité, sa facilité de pilotage et le nombre d’appareils produits, le DC-4 se prêtait parfaitement à certaines modifications. Celle qui nous intéresse a donné naissance au Carvair.

Carvair

Bristol FreighterEn 1960, la compagnie Channel Air Bridge, spécialisée dans le transport de voitures au-dessus de la Manche cherchait un successeur à son Bristol Freigther. Il était exclu de trouver un avion neuf, aussi s’est-on tourné vers la modification d’un appareil existant. De par ses qualités, son faible coût, le DC-4 a été choisi. La modification, achat de l’appareil compris revenait à 200 000 £. C’est Aviation Traders Ltd (ATL) appartenant comme Channel Air Bridge à Freddie Laker qui se chargera de la modification, avec l’aide de Douglas. Freddie Laker lancera plus tard le « Skytrain », premier low cost sur l’Atlantique Nord. Il sera anobli par sa Gracieuse Majesté.

Tout l’avant de l’aile fut modifié, le nez avancé de 2,64 m, le cockpit rehaussé de 2,08 m pour installer une grande porte de chargement à l’avant. On obtenait ainsi une soute de 15,9 m de long permettant le chargement de 5 voitures et une cabine pour 22 passagers. Le train avant s’effaçait dans un bossage caréné. Des freins de DC-6 avaient été adaptés et une dérive agrandie (du type DC-7) donnait plus de stabilité et aussi une certaine majesté ! Le premier vol se fit le 21 juin 1961.

L’appareil équipa principalement les compagnies britanniques ainsi qu’Aer Lingus en Irlande. Aviaco en Espagne, la Cie Air Transport, les Transports aériens régionaux et Uni Air en France l’utilisèrent. L’appareil s’exporta en Australie et en République Dominicaine.

 

La SOACO (SOciété Anonyme de COnstruction), entreprise gabonaise de construction acquiert deux appareils, le premier, n°10, sera livré en 1975.

TR-LUP

Carvair 9Q-CTIIl s’agit d’un C-54A (s/n 10382) livré à l’US Army Air Force en juin 1944. Après la guerre, il passe dans le civil aux USA, vole en Norvège, revient aux États-Unis, part pour le Luxembourg. Il découvre l’Afrique en volant pour le compte des Nations Unies au Congo Kinshasa. En novembre 1962, l’appareil est acheté par Aviation Traders, transformé en Carvair pour le compte de British United Air Ferries (G-ASKG). Son second « premier vol » a lieu le 29 juillet 1963. Il vole un temps pour Alisarda en Italie avant d’être mis en exploitation sur la Manche. En juin 1969, il est loué à l’entreprise française T.A.R puis à Air Transport. Il revient à British Air Ferry en avril 1972 et où il est baptisé « Big Joe ». 3 ans plus tard, il est vendu à SOACO, immatriculé TR-LUP, conservant son nom de « Big Joe ». Il aurait fait un séjour dans l’éphémère Empire Centrafricain avant d’être stocké à Brazzaville en 1979. Il a été racheté par Aéro service en 1982, immatriculé TN-ADX. Le 17 mars 1993, il passe chez Transair Zaïre (9Q-CTI). Il est démantelé à Kinshasa en septembre 1985.

TR-LWP

Carvair - G-ASKNCe 13ème Carvair a été acheté par SOACO en juin 1976. Il s’agit, là aussi, d’un C-54A (s/n 3058) livré à l’US Army Air Force en février 1943. Il vole aux États-Unis jusqu’en mai 1961, date à laquelle il part en Allemagne chez Continental D.L (D-ADAM). Il est acheté par Aviation Traders en juillet 1963 et transformé en Carvair. Son second « premier vol » se situe le 8 février 1964. (G-ASKN), il est livré à British United Air Ferries et porte le nom très français de « Pont d’Avignon ». L’entreprise devient British Air Ferries et il est baptisé « Big Bill ». Il vole jusqu’au 3 juin 1976 et est vendu à SOACO 6 jours plus tard. Il est immatriculé TR-LWP. Il n’a volé que peu de temps pour SOACO. Début 1977, il est stocké à Brazzaville. Il effectue de temps à autre des points fixes dans le but de conserver son certificat de navigabilité. Le dernier se situe le 30 juin 1978, l’appareil comptant alors 60 983,47 heures de vol. Aéro Service l’acquiert en 1982 apparemment pour les pièces de rechanges. Il aurait été démantelé en 1986, ceci restant à confirmer.

9J-PAA

Carvair 9J-PAAUn troisième Carvair a été immatriculé en Afrique. LE C-54E (c/n 27314) livré à l’US Army Air Force en avril 1945 a été rendu à la vie civile et a volé pour Pan Am et Japan Air Lines avant d’être acheté par Ansett (Australie) en mars 1965 (VH-INM). Il est converti en Carvair en 1968. En 1978, il part aux États-Unis, puis en Nouvelle Zélande, revient aux USA, et termine sa carrière en Afrique Australe à l’aube des années 2000. Il est immatriculé en Zambie (9J-PAA) pour le compte de Phoebus Apollo. Affublé d’un sourire narquois, il y vole jusqu’en 2007, son certificat de navigabilité expirant alors.

 

Autres DC-4 modifiés

DC-4 Argonaut CanadairPour mémoire, et puisque nous sommes dans le DC-4, évoquons une construction canadienne, le DC-4M North Star ou Argonaut. Cette première transformation fut l’œuvre de Canadair qui, dès 1945, envisageait la modification de l’appareil par l’installation de moteurs en ligne Rolls Royce Merlin. Une pressurisation fut également installée. Les modifications se firent au niveau de la planche à dessins, les appareils étant entièrement construits au Canada. 71 appareils seront livrés à la Royal Canadian Air Force, aux compagnies Trans Canada Airlines, Canadian Pacific Airlines et à la britannique BOAC. Si le moteur Merlin permettait un accroissement de vitesse d’environ 65 km/h, le bruit en cabine augmentait également sensiblement et les passagers délaissèrent rapidement l’appareil.

 

DC-4 SwingtailCerise sur le gâteau, une pièce unique : le DC-4 Swingtail – Ce C54B (s/n 10452) est livré à l’US Army Air Force en novembre 1944. Modifié pour un retour à la vie civile, il vole pour Northwest Airlines avant de rejoindre l’Europe : Allemagne (D-ANUK), Pays-Bas, Norvège et finalement la Belgique (OO-VAN) où il opère pour Belgian International Air Services entre 1959 et 1964. Il se retrouve assez naturellement au Congo Kinshasa pour le compte du gouvernement congolais (9Q-CHB) puis d’Air Congo (9Q-CBG). C’est alors que la compagnie demande aux services techniques de la Sabena d’étudier la modification de l’appareil en le dotant d’une queue pivotante. L’enjeu est de taille, mais les mécanos de Sabena mèneront à bien cette modification en 1966. L’appareil volera pour Air Congo qui devient Air Zaïre en 1971, puis Zaïre Aéro Services en 1976, finalement Kinair en 1984. C’est au cours d’un vol de cette compagnie qu’il s’écrase sur l’ile M’Bamoun en amont des deux capitales le 23 août 1988.

Jacques JULIEN

6 comments to Le DC-4 au « dos voûté »

  • Jf Romano

    Sympa Jacques de me faire faire un retour de pratiquement 35ans en arrière !! j’ai eu l’occasion de travailler aux ops Air Transport à Ajaccio ,saison été 67 ,sur ce “combi” qui faisait la liaison entre Ajaccio et Nîmes Garons ,sacrée expérience avec quelques frayeurs lors de la mise en route (bonnes flammes en sortie de moteur excellent pour cuire des brochettes ),et devis de poids manuels ,que du bonheur quoi ! et ce qui est extraordinaire c’est que 15 ans après ,alors que rien ne le laissait prévoir ,j’ai eu la chance d’intégrer les ops cargo AF et de travailler sur la Rolls des avions (B747 200 et 400),drôle de karma non ?

  • jean noel

    merci bcp sur l’article concernant les carvair.c’est vrai que je soupconnais cet avion d’etre l’ancetre du 747.du carvair au DC 4 je pensais que cela se faisait sous le modele airbus.cad une question d’assemblage.en ce sens que l’avant du carvair pouvait etre detache un beau jour et joint au reste d’un DC 4 normal.donc un DC4 pouvait devenir un carvair au gre du directeur exploitation ou un carvair pouvait devenir un DC4.je pensais que c’etait une question d’assemblage.et que le point de jonction se trouvait avant les moteurs.des moteurs a l’empenage tout etait pareil pour les deux modeles d’avions.

    le carvair d’aeroservice transportait du fret entre bzv et pnr , entre bzv et ouesso.merci en tout cas.je ne savais meme pas qu il y avait eu crash entre kin et brazza sur le fleuve(ile mbamou)

    question personnelle a mr jacques julien

    depuis que je lis ce site je trouve que d’une maniere generale les avions (y compris ceux d’RK) menent une vie de “mal aimé” permettez moi l’expression.pendant 2 ou 3 ans ils peuvent etre exploites par telle compagnie, l’annee suivante sans mobile serieux , voila notre avion ailleurs et la bas aussi c’est le meme sort il est vendu a un tiers il quitte la compagnie retrouve un autre exploitant et parfois revient au premier exploitant.

    tres peu d’avions ont passe la totalite de leur vie au sein d’un seul et meme exploitant.

    comment expliquer ce changement regulier d’exploitant.

  • JULIEN Jacques

    La photo de la queue pivotante est celle d’un des deux DC-6 que Sabena forte de l’expérience du DC-4 a modifié par la suite. Je n’ai trouvé aucune photo de DC-4 queue pivoté. Si quelqu’un en a, nous sommes preneurs.

  • Ibrahima Barry

    Merci Julien pour ces infos, je voyais cet avion, ancêtre du B747 (comme dit Alain – B746) sur les Parking de LBV et BZV.
    Je n’avais jamais eu le temps de faire des recherches dessus.
    Surtout faire un rapport avec le DC4.

  • Alain Truffaut

    J’ai eu l’occasion de faire un vol sur le Carvair de la TAR (Transports Aériens Régionaux) entre Southend-on-sea et Le Touquet en 1972. La TAR était basée à Nice, à coté de l’Escadrille Mercure, à l’emplacement où se trouve maintenant le Terminal 2. Il me semble que la TAR faisait partie du groupe Air Frêt de Mr Colin. J’ai failli travailler pour eux mais Colin a préféré m’envoyer à Air Comores chez son ami Le Bret. Je me souviens du surnom qu’on donnait à cet appareil : le Boeing 746 !!!

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