Douala, samedi 4 mai 1963

ICAO Circular 78-AN/66
Union Aéromaritime de Transport, DC-6B F-BIAO, accident on the slopes of Mont Cameroon, Federal Republic of Cameroon, on 4 May 1963. Report, dated 13 December 1963, released by The Director of Civil Aviation, Cameroon.

F-BIAO DC-6

Le samedi 04 mai, est une journée exceptionnellement belle avec une vue superbe du mont Cameroun. Ce samedi restera pour moi un jour bien particulier qui, pendant longtemps, me hantera. À midi pour un anniversaire quelconque, un pot est organisé au CID, c’est dans le hangar sous l’aile gauche du DC6 F-BIAO qui a subi une petite visite, que des tréteaux sont installés pour recevoir quelques verres et bouteilles.
Quelques minutes plus tard l’appareil est mis en piste pour assurer un vol côtier. L’après-midi, je suis de service et le départ de cet appareil m’incombe.

L’équipage du DC 6 F-BIAO, affrété par Air Afrique et sous N° de vol RK, se compose de : CDB Jean Barbot, OMN Louis Saran, pilote Robert Krause, radio Marc Rocchi, chef de cabine Jacques Hauc, deux stewards RK ex-UAT transférés chez RK, Joseph N’Touko et Dieudonné Baniya.

J’effectue la visite avant vol, les pleins de carburant, contrôles des différents niveaux, huile moteurs, hydraulique, etc. À J-20 minutes, l’équipage est en place et procède à la check-list, je les salue et descends par la passerelle positionnée à l’avant droit, depuis ma position auprès de la roue avant je regarde négligemment la fin de l’embarquement des passagers. À 14h00 l’avion, porte avant droite déjà fermée, est prêt au départ pour effectuer la ligne côtière jusqu’à Abidjan via Lagos et Cotonou, quand Louis Saran le mécanicien navigant rouvre celle-ci pour me demander de lui procurer une planchette en bois d’ébène pour son prochain passage 2 ou 3 jours plus tard. (planchette destinée à y installer un baromètre). Fermeture de la porte. Paré au 3 – 4 – 2 – 1 et ça roule.

Malheureusement, on connaîtra la suite, un drame s’est produit quelques minutes après le décollage. Vers 15h30 nous sommes, Fournier et moi, sur le dos d’un Constellation d’Air France à effectuer le changement d’une antenne VHF quand un agent d’opérations vient nous informer que Lagos demande confirmation du départ de l’avion, car celui-ci ne donne aucune nouvelle sur le déroulement de son vol. Il faut nous rendre à l’évidence, le BIAO a disparu et là se pose un sérieux cas de conscience… je me culpabilise, dans ma tête je fais et refais tous les gestes précédant le départ ; n’ai-je rien oublié ? Les bouchons des réservoirs d’essence sur les ailes sont-ils tous bien à leur place ? L’avion est-il en bon état de vol ? Que sais-je ? On tourne et retourne ses idées, essayant de trouver une explication logique à un tel drame.

Très rapidement, des officiels d’organismes aéronautiques Camerounais viendront saisir tous les documents concernant ce vol. Le CDB Coutaudier vers 17h00 arrive en finale sur Douala en DC 4 et, apprenant la nouvelle se propose de faire un tour pour survoler la zone présumée de la disparition, mais rien, ce ne sera que le lendemain dimanche qu’un appareil de la CAT (Cameroun Air Transport) apercevra l’appareil sur les flancs du Mont Cameroun.

(Cet accident est dû au fait de la décision du CDB de changer de route : la visibilité étant bonne, il aurait voulu prendre au plus court sans contourner le mont Cameroun).

À l’arrivée des secours, il y a un survivant, un diplomate porteur de la valise diplomatique américaine, mais il meurt quelques jours plus tard dans une clinique de Douala. Les corps sont dépouillés et dévalisés, les restes de l’avion pillés, les bagages éventrés ont été mis à sac par des villageois.

« Ils sont morts et n’ont plus besoin de rien » Oui bien sûr, c’est une philosophie qui nous dépasse, mais qui pour ces humbles gens est un argument logique.

Le dimanche suivant, une cérémonie aura lieu au cimetière du Bois des Singes, en bordure de la piste, en présence de tout le staff UAT et de beaucoup de familles. La soute avant d’un DC 8 est pleine de fleurs. La cérémonie est empreinte de tristesse ; étant de service, je ne peux y assister. Mais un des aides mécano, un dénommé “nana”, veut lui, y assister et ne trouve rien de mieux que de s’y rendre avec un Clark, (gros tracteur servant au remorquage des avions, donc très lourd) et catastrophe, suite à un orage, il s’embourbe juste devant la porte du cimetière empêchant tout véhicule de sortir de celui-ci. Le staff, monsieur Combard en tête, les femmes en talons, les hommes en costume, sont fous de rage et pataugent dans la boue pour rejoindre un bus appelé en urgence pour rapatrier tout ce beau monde vers l’Aéroport.


Le commandant de bord était Jean Barbot que j’avais rencontré quelques mois plus tôt, en janvier 1963. En poste à Marignane, un ingénieur Daniel Perron du service technique du Bourget (service de Mr Talbot) doit se marier à Marseille. Je fais partie des invités. Ses collègues de bureau (dont Sadibou Kamara le futur DT Air Afrique, et F.Gbedo) me donnent comme consigne de fournir les fleurs au nom de tous. Mission accomplie. Il y a comme c’est de coutume dans cette région, un fort mistral, Daniel Perron et son épouse devrait en principe rejoindre le Bourget dans la soirée à bord d’un vol régulier, ceci afin de profiter d’un GP Air India (billet à tarif préférentiel réservé au personnel des compagnies aériennes IATA). Leur projet est d’aller en voyage de noces en Inde le lendemain. La cérémonie se passe bien, excellent repas dans un restaurant aux abords de la ville, peut-être vers Cassis ou Carry-le- Rouet. Le mistral chagrine Daniel qui me demande de rejoindre l’aéroport afin de m’assurer de l’état des vols. Bien sûr rien ne décolle ni atterrit de Marignane. Après avoir contacté le restaurant pour leur annoncer des nouvelles pessimistes, je rejoins mon bureau quand le haut-parleur de l’aérogare annonce l’atterrissage d’un appareil UAT. Je file sur la piste, en effet un cargo DC6 se pose. C’est Jean Barbot qui est aux commandes, il se déroute, car Paris a également de gros problèmes météo il m’informe de son intention de redécoller dès que possible. À ma question de savoir s’il serait d’accord pour embarquer Daniel Pérron et madame et, à, sa réponse affirmative, je me re-précipite au téléphone, en informe Daniel qui rapplique aussi vite. Le technicien Chargeurs Réunis en charge des DC6 n’est pas en place, c’est en costume par un vent glacial que j’effectuerai les pleins du haut des ailes. Les voilà partis pour le Bourget dans la soirée. Leurs voyage de noce se passe très bien. Au retour des Indes, ayant quelques jours de congés encore à prendre, il accepte avec sa femme le convoyage d’un petit avion depuis l’aéroclub de Saint Cyr l’École pour Genève. En effet il est titulaire d’une licence et c’est depuis cet aéroport de l’est parisien qu’il décolle avec son épouse. L’après-midi qui suivra cette livraison, après un bon repas avec le nouveau propriétaire, décollage pour ce qui aurait du être un tour de piste. Une ligne à haute tension se trouve sur leur trajectoire. Ils périront tous les trois brûlés vifs dans la carcasse en flamme de l’appareil, un témoin assiste impuissant à leurs agonies. Voilà que quelques mois plus tard c’est Jean Barbot qui disparaît à son tour d’une façon tragique.


À bord du F-BIAO, il y avait le secrétaire général de L’OUA, Togolais. Dans la semaine qui suit, affrètement d’un DC4 pour le rapatriement du cercueil à Lomé. Au retour du vol, je suis surpris de voir les vitres latérales ouvertes et des têtes qui sortent, c’est possible bien sûr mais pas habituel, Quiqui (Quinio) est le mécano navigant de ce vol spécial, je ne sais plus le reste de l’équipage. Quand je monte l’escabeau avant pour prendre contact avec l’équipage, c’est trois hurluberlus qui me bousculent pour en descendre. Le cercueil ayant « explosé » en vol, une odeur âcre insupportable prend tout de suite aux narines. Pour les transports de « bière » celle-ci doit être étanche et munie d’une valve servant d’épurateur et de décompresseur afin d’éviter l’explosion due aux émanations de gaz. Cette valve apparemment n’était pas en place ou n’a pas fonctionné correctement.


Quelques années plus tard, une « aventure » identique a eu lieu entre Ouagadougou et Dakar à bord d’une caravelle 11R, c’est-à-dire avec une soute fret à l’avant de la cabine. Un cercueil chargé à Ouagadougou ou à Bamako, a « explosé » en vol. À l’atterrissage à Dakar, avec l’angle de descente de la machine, le « liquide » coule vers le cockpit rendant l’atmosphère irrespirable pour plusieurs jours.

Gérard L.

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